« Les esclaves ont
repris le pouvoir »
(slogan utilisé par les grévistes l’année dernière)
Le 15 fevrier 2002, les salariés du
restaurant McDonald's de Strasbourg-Saint-Denis (Paris), en grève .
depuis le 24 octobre 2001 (soit 115
jours), avaient remporté une victoire totale
après la plus longue grève jamais engagée chez McDonald's et dans le
secteur de la restauration rapide.
McDo, avait cédé sur
l'ensemble des revendications des grévistes, à savoir : départ du franchisé,
réintégration des cinq licenciés,
paiement des jours de grève à hauteur de 45 %, promesse par voie de protocole
de ne pas exercer de représailles pour faits de grève….
Grâce a leur unité et à leur
détermination dans la lutte, et avec l'aide de leur comité de soutien, ils ont
su faire plier leur gérant et McDonald's qui n’avaient pas lésiné sur les
méthodes crapuleuses (tentative de commencer un chantier en pleine grève,
huissiers en permanence, vigiles provocateurs, communiqués de presse
mensongers, propositions de dessous de tables…).
Il ne faisait aucun doute que ce
conflit, de par ses formes d'action (manifestation, blocages d’autres McDo se
mettant eux mêmes en grève, occupations…) et sa conclusion victorieuse, aurait
des répercussions dans le monde du travail, en particulier dans tous les
secteurs où le travail précaire et la répression anti-syndicale s'imposent
comme norme sociale.
Le conflit est né sur un sentiment très
fort d’injustice suite à des licenciements arbitraires : 4 salariés de
l’équipe encadrante qui avaient débrayés une demi journée tombaient sous le
coup d’une procédure de licenciement se voyant accusés du vol d’un million de
francs. La plupart des salariés s’étaient alors mis en grève par solidarité. Ce conflit est revenu sur un certain nombre
d’idées préconçues. Non les jeunes ne refusent pas de s’organiser, non ils ne
craquent pas aussi facilement malgré les pressions, comme le disait un des
grévistes : « la dignité n’a pas de prix », et non ils ne sont
pas aussi individualistes qu’on aurait pu le croire.
A partir de cet acte de solidarité
d’une trentaine de salariés et à partir de cette volonté de prouver leur
Innocence, la rencontre avec des salariés d’autres secteurs précaires et avec
des militants chevronnés avait permis non sans mal de résister à la stratégie
de pourrissement de la direction. Les structures syndicales ou politiques ont
été réticentes à prendre le train de cette aventure, pour de multiples raisons:
peu de cotisants potentiels et des salariés peu « stables »,
l’accusation d’être des voleurs que la direction leur avait collée (le pénal
sur l’accusation de vol suit toujours son cours), des énergies difficiles à
canaliser dans des modes d’actions peu orthodoxes….
Pendant un an l’équipe du Mac Do est
restée la même avec un nouveau franchisé, à ceci près que les départs qui se
sont effectués pendant ce laps de temps ne furent pas remplacés, les salariés
sont donc passés d’une cinquantaine à 28 avec la même charge de
travail !!!. Personne ne comprenait la stratégie du franchisé et de Mac Do
France (vol de marchandise par les sbires du franchisé, société de vigiles
payée jusqu’à 4 fois son prix normal, non réparation des machines en panne…),
tout a été fait pour couler la boîte ou dégoûter les salariés afin qu’ils
démissionnent d’eux mêmes. L’élément déclencheur de la nouvelle grève de cette
année a été la procédure de licenciement à l’encontre du sous-directeur ( un
avis négatif de l’inspection du travail a été rendu fin mai 2003) qui avait apporté
son témoignage de soutien lors du premier conflit. Mais la colère était déjà
présente et ne cessait de croître car les salaires étaient régulièrement payés
en retard (jusqu’à 15 jours), ils n’étaient jamais complet voire divisés par
deux - les salariés faisant énormément d’heures sup pour combler le manque de
personnel, ils ont mêmes été accusés d’en faire volontairement….Le 11 mars
2003, toute l’équipe se remit en grève en occupant immédiatement, jour et nuit,
le Mac Do. Les camarades du collectif de solidarité qui avait suivi et soutenu
pour certains en 2002, les salariés de l’entreprise de nettoyage Arcade (groupe
Accor) et qui pour d’autres s’étaient remobilisés peu de temps auparavant pour
soutenir une grève d’un Pizza Hut sur les grands boulevards à proximité du Mac
Do se sont reconstitués en comité de soutien.
Il ne fait aucun doute que cette grève
a été préparée (prévue) par Mcdo France (le franchisé n’est que l’homme de
main) pour pousser à bout ces réfractaires et terminer définitivement ce
conflit social sans précédent par un échec pour les salariés.
Et il est vrai qu’au bout de trois mois
de grève avec occupation, le conflit est lourd à supporter : il est plus
difficile d’élargir les soutiens étant donné qu’il n’y a plus l’effet novateur
d’une première longue grève chez Mac Do, on n’est plus en campagne électorale,
il faut trouver pas mal d’argent pour pouvoir durer (beaucoup de collectes de
solidarité ont été organisées le long des manifs parisiennes), c’est la
deuxième grève toujours sur le même Mac Do (la direction joue le pourrissement
en les isolant et en déclarant que se sont toujours les mêmes
« excités » , des « voyous » « des délinquant du
travail », « qu’il n’y rien à en tirer »…). Les salariés sont
eux toujours aussi actifs dans des blocages de Mac Do, dans le soutien à
apporter à d’autres salariés souhaitant se mettre en grève ( Mac do de la porte
saint Cloud ou de Boulogne) ou déjà en conflit (cuistots des pub de la chaîne
Frog, salariés en grève de Pizza Hut de Bonne Nouvelle qu’ils ont soutenus
activement avant d’être eux-mêmes en grève) ou dans d’autres actions comme les
deux nuits de blocage des camions de livraisons pour les Mac do à LR Services
ou l’occupation d’un des centres de recrutement de Macdo. Les soutiens continuent
de développer à leur échelle la solidarité en confectionnant des tee-shirts,
des autocollants, tout ce qui peut s’attaquer à l’image Mac do, en organisant
aussi des concerts de soutien ou autres manifestations. La CGT est plus
investie dans la lutte cette année grâce notamment à des volontés individuelles
passant outre les lourdeurs bureaucratiques et l’encroûtement des permanents,
mais il subsiste souvent des conflits entre la radicalité des grévistes et les
stratégies du syndicat.
Aujourd’hui un salarié est inculpé de
« rebellion et outrage » envers les forces de l’ ordre suite à
une action de solidarité organisée le 30 mai auprès des salariés du Mac Do de
Marcel Sembat (Boulogne) il devrait passer en procès le 02 juillet 2003.
Le combat continue.
Apportons quelques éléments pour
essayer d’aller un peu plus loin sur les raisons de cette résistance ?
On constate que les conditions de
travail sont les mêmes dans tous les restaurants et les griefs sont les mêmes
partout de la part des salariés – il y a toutefois une différence entre les
restaurants appartenant « directement » à Macdo France et ceux
appartenant à des franchisés dans lesquels la pression sur les salariés est
accrue, ce système tendant d’ailleurs à se généraliser - mais les grèves se déclenchent
souvent avec l’arrivée d’une nouvelle direction vis à vis de laquelle il n’y a
pas encore de relations sociales (chez Macdo on est tous copains, on tutoie son
patron, les conflits sont donc plus difficiles à assumer), en plus la plupart
des parachutages de franchisés ou directeurs sont fait pour
« nettoyer » l’équipe en place. La raison est que lorsque le
turn-over ne se fait pas naturellement, on utilise les grands moyens pour
dégoûter les salariés jusqu’au licenciement. Le turn-over est une nécessité
pour des groupes comme Mac Do, il permet notamment comme le soulignait un
gréviste d’effacer toute « mémoire sociale » comme le souvenir des
luttes par exemple et toute appropriation ou attachement à un restaurant.
L’embauche des étudiants , comme dirait l’un d’eux «je suis exploité
mais je fais juste ça quelques mois, je suis étudiant, mon avenir n’est
pas à ici» est le rêve pour Macdo, elle permet d’avoir une main d’oeuvre qui ne
s’identifie pas comme un salarié de cette entreprise, son identité n’étant pas
travailleur mais étudiant (Pas de lutte de classes sans conscience de
classe !!). Mac Do cherche aussi à embaucher des frères, soeurs, cousins,
amis renforçant un système d’auto-soumisssion et d’auto-contrôle se retournant
parfois contre lui en cas de conflit où la direction se trouve face à une
équipe soudée. Mais il faut noter également que beaucoup d’étudiants voire
lycéens abandonnent leurs études du fait de la difficulté de concilier les deux
fonctions en grimpant parfois dans la hiérarchie Mac do pour se retrouver
quelquefois jusqu’au siège social (rarement les personnes d’origines
étrangères). C’est pourquoi les salariés qui ont déclenché et porté cette grève
sont quasi tous des salariés de l’équipe encadrante (des temps pleins, parfois
13 ans d’ancienneté, et donc une équipe très soudée), et pour les équipiers le
pas à franchir était donc plus facile. Ce sont donc quelque part les moins
précaires dans ce système qui organise la précarité, qui se sont bougés.
C’est par ailleurs une population issue
de l’immigration et des quartiers populaires dans lesquels une certaine culture
de l’insoumission à certaine forme d’autorité se développe.
Jeunesse urbaine stigmatisée par le
discours de l’Etat, (la direction rappelle régulièrement que les grévistes sont
des « délinquants », des sauvageons), cette lutte nous rappelle que
ce sont avant tout des prolétaires, ils ne s’identifient d’ailleurs pas à
l’image médiatique de « jeunes de banlieue » et qui dans le
travail se retrouvent souvent dans des secteur type MacDonald’s. Dans cette
grève, c’est donc une résistance face aux formes moderne d’exploitation, et
aussi une expression politique de jeunes qui n’ont généralement pas la parole.
Dans ce conflit sur leur lieu de
travail et face à une autorité, le rapport aux syndicats et aux organisations
politiques est lui aussi atypique. Ne pouvant pas rester isolé, le mouvement ne
faisant pas non plus tâche d’huile chez les employées de Macdo, les grévistes
ont su utiliser les syndicats, comme forme incontournable de protection et
de négociation (tant que le rapport de force n’en est pas à pendre les patrons
par les pieds), ainsi que le rapport avec les militants solidaires (passant par exemple au
travers du comité de soutien) avec lesquels a pu se créer un lien de solidarité
mais où aucune chapelle politique n’a pu manipuler les grévistes.
Tikay, Zamia.
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