mardi 19 mai 2015

Et comment ça se passe chez McDonald’s ? actualité mai 2015

Et comment ça se passe chez McDonald’s ?

Entretien avec Gilles, secrétaire général du syndicat CGT McDonald’s Paris et IDF

Groupe Salvador-Seguí : Peux-tu te présenter ?

Gilles : Je m'appelle Gilles Bombard, je suis arrivé à 16 ans chez McDonald's (entreprise McDonald's Ouest parisien) pour avoir une première expérience professionnelle en parallèle à mes études, j'étais en classe de seconde à cette époque. Alors que je n'étais censé rester que quelques mois au départ, mon aventure avec l'enseigne aux arches dorées se prolonge encore aujourd'hui dix ans plus tard, je suis à l'heure actuelle doctorant en droit social. Plusieurs grandes étapes se sont succédé durant ce parcours. D'abord l'innocence, jeune équipier ne posant pas trop de questions et ne comprenant rien au monde du travail. Puis une légère prise de recul en devenant formateur et responsable de zone avec la mission de rendre plus productifs mes collègues. Enfin la lutte collective en étant représentant du personnel pour défendre ces mêmes collègues, dénoncer les abus que chacun subit lorsqu'il porte l'uniforme de McDonald's.

Je n'étais a priori pas destiné à revêtir la tunique de défenseur malgré le fait que j'accomplissais officieusement ce rôle en restaurant, c'est en 2010 qu'une amie a fait le lien entre ma personne et le délégué syndical CGT de l'époque. Cet illustre syndicaliste dénommé Nicolas est resté longtemps en contact avec moi avant que je ne décide de m'engager. J'étais plutôt méfiant du monde syndical, eu égard notamment à la façon dont les journaux classiques le décrivent, mais j'étais convaincu d'avoir en face de moi une personne honnête et intègre.

Nous avons préparé les élections professionnelles sur le marché de McDonald's Ouest parisien, à la surprise générale nous sommes arrivés en tête en passant de 0 % à 30 % des suffrages, j'ai été élu titulaire au CE, c'était en quelque sorte le début d'une autre vie. Les événements se sont vite enchaînés le temps d'un mandat : arrivés en minorité au CE nous sommes devenus majoritaires pour que je devienne secrétaire du CE, puis délégué syndical suite au départ de Nicolas, enfin aujourd'hui secrétaire général du syndicat CGT McDonald's Paris et Ile-de-France...

Groupe Salvador-Seguí : Peux-tu nous expliquer ce que toi et ta section syndicale avez mis en lumière dans votre entreprise et chez McDonald's en général ?

Gilles : À la sortie des élections professionnelles de 2011, nous sommes entrés minoritaires au CE avec les élus de l'Unsa face à une intersyndicale majoritaire acquise au patronat. Cette majorité nous l'avons renversée, depuis trop longtemps les doutes régnaient autour de la gestion financière du CE, et la transparence était un de nos thèmes de campagne. Nos efforts dans ce domaine ont débouché sur la révélation d'un détournement de fonds massif en interne (un peu plus de 200 000 euros). La direction qui faisait la sourde oreille depuis notre arrivée a été mise devant le fait accompli. S'agissait-il d'une couverture afin que l'ancien secrétaire également délégué d'une autre organisation syndicale signe des accords d'entreprise ? La justice tranchera ce point, l'enquête préliminaire est toujours en cours.

Autre action, nous sommes l'un des rares CE de McDonald's en France à avoir déclenché des expertises sur les comptes annuels de l'entreprise. Depuis la création de l'entreprise McDonald's Ouest parisien, pas un seul euro de bénéfices n'a été dégagé par l'enseigne... Pourtant, il y a des files d'attente dans tous les restaurants, il y a du monde tous les jours à toutes les heures. Comment est-il possible d'affirmer que l'entreprise ne gagne pas d'argent alors qu'il y a plus de quarante ouvertures de McDonald's chaque année en France ? Ce discours scandaleux a été formellement remis en cause à travers les rapports d'expertise. Ceux-ci démontrent que chaque restaurant dégage en moyenne un excédent supérieur à 20 % de son chiffre d'affaires, une performance colossale en temps de crise, mais chaque restaurant reverse également au Siège des frais de redevance représentant en moyenne 22 % de son chiffre d'affaires. Ces frais de redevance correspondent aux droits d'utilisation de la marque (fixe à 5 % du chiffre d'affaires) ainsi qu'à la location du terrain dont McDonald's est propriétaire (variable indexée sur le chiffre d'affaires). Le monde marche sur la tête, McDonald's achète un terrain et le donne en location à son propre restaurant à un prix totalement exorbitant... C'est aujourd'hui la force financière de McDonald's, ce ne sont pas les Big Mac qui rapportent de l'argent mais bien l'immobilier. Ce système financier qui absorbe tous les profits des restaurants aboutit à une double peine : les salariés ne touchent jamais la prime de participation sur les bénéfices, et les contribuables français sont aussi impactés dans la mesure où l'impôt sur les sociétés n'est pas du lorsque l'on ne fait pas de bénéfices, donc moins de recettes fiscales pour l'État.

Bercy s'est interrogé sur ce montage peu scrupuleux, tout comme certains journalistes début 2014 en accusant l'enseigne d'évasion fiscale. Notre CE a dans la foulée déposé une plainte pour fraude fiscale, l'affaire est entre les mains de la justice.

Ce problème est bien mis en valeur par le rapport Unhappy Meal publié par plusieurs fédérations syndicales européennes et américaines au mois de février 2015, les profits de McDonald's seraient massivement délocalisés au Luxembourg, le préjudice estimé pour le fisc français serait de plus d'un milliard d'euros. En attendant, la plupart des salariés sont toujours au SMIC en temps partiel imposé, et on leur fait comprendre qu'ils représentent une charge lourde pour l'entreprise. Ça se passe comme ça chez McDonald's...

Groupe Salvador-Seguí : Comment réagissent les autres organisations syndicales ?

Gilles : Face à de pareilles injustices, les syndicats à l'unisson devraient taper du poing sur la table et durcir le dialogue. Or, seuls les élus de l'Unsa nous soutiennent de longue date, les autres représentants syndicaux bénéficient d'un traitement de faveur bien particulier. La plupart de ces leaders sont en effet cadres au siège, avec voiture de fonction, et remplacent les salariés grévistes lorsque ceux-ci sont en pleine action revendicative ! Ces personnes conçoivent le syndicalisme comme un business. Certains ont même été missionnés pour nous rencontrer et nous faire des propositions indécentes, comme des sommes d'argent pour quitter l'entreprise. Il est clair qu'une intersyndicale sera difficile à construire avec ce genre de mentalités !

Groupe Salvador-Seguí : Le 15 avril a eu lieu une action dans les restaurants McDonald's de Denfert-Rochereau et KFC de Strasbourg Saint-Denis. Y avait-il eu d'autres actions de ce genre ?

Gilles : La journée du 15 avril 2015 s'inscrivait dans le cadre d'une mobilisation mondiale au sein de la restauration rapide. Nous nous sommes mobilisés sur Paris avec une centaine de personnes qui étaient présentes parmi lesquelles on retrouvait, hormis notre syndicat, la Fédération du Commerce CGT, l'US Commerce CGT de Paris, des représentants des structures locales parisiennes CGT, le syndicat restauration rapide 76, un délégué de Marseille, des syndicalistes de l'Unsa, des étudiants et des journalistes...

Les problématiques françaises connues dans cette branche se retrouvent en général au niveau européen et mondial. De plus en plus de salariés n'arrivent plus à digérer la recette fiscale de McDonald's et d'autres enseignes pour dénoncer cette politique de délocalisation des profits, ainsi que pour revendiquer les mêmes droits pour les salariés travaillant au sein d'une même enseigne. Aujourd'hui, deux restaurants McDonald's espacés d'une centaine de mètres peuvent pourtant traiter leurs salariés d'une façon totalement différente et injustifiée. Chez l'un on retrouvera un CE, un treizième mois, des primes trimestrielles, chez l'autre rien ! L'un sera géré en propre par McDonald's France, l'autre par un franchisé. On retrouve pourtant le même modèle économique, les mêmes tenues de travail, les mêmes sandwiches, les mêmes conditions de travail, les mêmes processus de formation... À la vue du client, il s'agit de deux restaurants identiques, alors pourquoi une telle différence de traitement ? Nous demandons par conséquent une charte sociale chez McDonald's et dans la restauration rapide afin que les gérants ne puissent pas déroger à certains acquis issus de longues luttes dans certains établissements.

Il n'y a pas eu beaucoup d'actions de ce genre dans le passé, ou bien alors des actions dépourvues de caractère contraignant pour l'employeur. À mon sens il n'est pas possible d'envisager uniquement des rassemblements purement symboliques.

Ce jour du 15 avril a donc été l'occasion pour nous d'expliquer notre démarche aux salariés et à chaque client voulant entrer dans le restaurant. Le choix du lieu de Denfert-Rochereau pour McDonald's n'est pas anodin. Le franchisé de renom a toujours été allergique au dialogue social avec notre organisation syndicale, nos syndiqués en ont payé les frais et ont perdu une grande partie de leur force mentale. En plus d'être payé au lance-pierres, s'il faut accepter de perdre toute dignité humaine, on peut se poser des questions sur la nature et la légalité de ce mode d'exploitation !

Groupe Salvador-Seguí : Y aura-t-il d'autres actions prévues ? Ne crains-tu pas une nouvelle la répression là où vous êtes allés ?

Gilles : Des futures actions sont nécessairement à prévoir pour que l'on voie une évolution face à tous les maux de la restauration rapide. L'évasion fiscale constitue le support de toutes les injustices subies de force par les travailleurs. Aujourd'hui une personne qui débarquerait dans la profession subira le temps partiel au lieu de le choisir, avec le salaire minimum. 24 heures par semaine, c'est 770 euros net par mois. Comment est-il possible de trouver un logement avec ce salaire ? De plus, le temps partiel va de pair avec les coupures, ce qui rend impossible en général la recherche d'un autre emploi ou la pratique d'un loisir. Le travail du dimanche n'est pas majoré, le travail de nuit est sous-valorisé, les jours fériés ne sont payés doubles que pour une partie des salariés. Le partage des richesses n'existe pas ! Pourtant de la richesse, il y en a, ceux qui la créent sont ceux à qui on va reprocher d'avoir pris une sauce ketchup en plus pour son repas d'employé. Ces travailleurs ne s'en rendent pas compte, mais ils créent chaque jour un peu plus de richesse que le jour précédent. Les enseignes de la restauration rapide et McDonald's en première ligne sont les spécialistes de l'organisation du travail taylorienne. Le travail est décomposé en tâches simples et répétitives, il s'agit d'un travail à la chaîne, chaque salarié a un rôle bien défini et répète les mêmes gestes durant toute sa séquence de travail. En parallèle, les nouvelles technologies remplacent les humains, nous avons vu une prolifération des bornes de commandes un peu partout. Cela a un intérêt pour la rationalisation du service à la clientèle, il est possible de faire autant voire plus de chiffre d'affaires avec moins de salariés.

Le jour où chaque travailleur aura conscience de sa situation, les choses changeront. C'est le sens de nos démarches, éveiller les consciences, alerter l'opinion publique. Toutes les bonnes volontés seront les bienvenues pour nos prochaines actions. Nous suivrons attentivement l'attitude des dirigeants du McDonald's Denfert-Rochereau envers les salariés.

Groupe Salvador-Seguí : Tu as récemment été désigné secrétaire général du syndicat CGT McDonald's Paris et Ile-de-France. Certains accusent ton prédécesseur d'avoir voulu faire de l'entrisme et du noyautage anarchistes dans le syndicat. Que réponds-tu à ces affirmations ? Quel bilan tires-tu de l'ancienne équipe en place ?

Gilles : Je suis surpris par ces accusations, cela retire aux syndiqués leur rôle principal dans les actions du syndicat. C'est pourtant cette façon de faire qui m'a poussé à m'investir davantage dans cette organisation syndicale, le fait de laisser le dernier mot à la base, le fait d'exercer une vraie démocratie participative. Il y a toujours des sensibilités différentes au sein d'une organisation, à mon sens c'est une chance et une richesse pour le syndicat, cela garantit le débat d'idées, et c'est ce qui s'est passé ces dernières années.

L'équipe sortante a poussé le syndicat vers le haut, malgré quelques errances dans la formation et dans la politique de syndicalisation. Notre syndicat existe depuis 1999 mais n'a pas su conserver sa mémoire, c'est peut-être le principal reproche que je ferais à mes prédécesseurs, mêmes si de gros efforts ont été faits dans ce sens dernièrement. Il est toutefois important de saluer le travail de l'ancien secrétaire, qui a su rester à l'écoute, respectueux des problématiques d'autrui et transparent dans sa gestion.

Groupe Salvador-Seguí : Veux-tu rajouter quelque chose pour finir ?

Gilles : Nous invitons chaque personne à soutenir nos luttes, chacun est plus ou moins concerné par les abus perpétrés par McDonald's ne serait-ce que par les accusations de fraude fiscale. Cette multinationale exploite non la force des travailleurs mais également toute la faiblesse de la classe politique française. Aides pour les emplois jeunes, CICE, baisse de la TVA... Que d'économies pour l'enseigne ! Les prix ont-ils baissé pour le client ? Les salaires ont-ils augmenté ? Bien sûr que non ! Il s'agit d'un combat très inégal dans la mesure où la gloutonnerie financière de McDonald's apparaît visuellement et sonorement dans la plupart des journaux papiers, à la télévision, à la radio... Il est difficilement concevable pour l'enseigne de payer un média pour qu'il détériore son image ! Nous nous faisons donc connaître par le bouche à oreilles, sur les réseaux sociaux grâce notamment à la page Facebook « Les Indignés de McDonald's ». De plus en plus de personnes nous soutiennent, nous avons des dizaines de milliers de vues pour certaines vidéos, et nous coordonnons des actions à partir de cet outil. Venez comme vous êtes !

vendredi 15 mai 2015

« McDo, escroc, faut partager le magot ! »

Le 15 avril, des salarié-e-s de la restauration rapide se sont mis en grève à travers le monde. Aux Etats-Unis, où le mouvement prend de plus en plus d’ampleur depuis ses débuts en 2012, des grèves et des manifestations ont eu lieu dans plus de 230 villes. Pour certains, il s’agit de la plus importante mobilisation de travailleurs précaires et sous-payés jamais enregistrée dans l’histoire du pays. Dans ce secteur particulièrement touché par la précarité, les mauvaises conditions de travail et la répression syndicale sont monnaie courante. En France aussi, des mobilisations ont eu lieu – quoiqu’à une échelle bien moindre. Dans l’entretien qui suit, Gilles, syndicaliste chez McDonald’s, revient sur les mobilisations qui ont eu lieu en France.
 TDL: est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi vous avez fait grève mercredi dernier?
G: le 15 avril, c’était une journée d’action de la restauration rapide au niveau mondial. Donc les fédérations syndicales aux Etats-Unis et en Europe se sont mobilisées. Aux Etats-Unis, ça a pas mal bougé. Ca a été relayé par les journaux télévisés en France. Je n’ai pas eu trop d’échos sur ce qui s’est passé dans les autres pays européens, mais nous, en France, on a décidé de faire quelque chose, sur Paris. Avec la fédération du commerce CGT et les syndicats KFC, Quick, et celui que je représente, le syndicat McDo, on s’est réunis en collectif « restauration rapide ». Quand on décide de faire une action, c’est simple, on se consulte tous. Une des questions principales, c’est de savoir si l’action aura un caractère contraignant ou pas pour l’employeur. Nous, on tenait à ce qu’il y ait un caractère contraignant, à ce qu’il y ait un vrai mouvement de force qui soit présent ce jour-là. Et donc on a opté pour le McDonald’s de Denfert-Rochereau le midi. C’est l’heure du rush, là où il y a le plus de clients. Donc si on veut impacter le chiffre d’affaires de l’employeur, c’est là qu’il faut se mobiliser. Le restaurant McDo Denfert-Rochereau, c’est un franchisé qui le gère. On a beaucoup de problèmes avec lui en ce moment. On a des adhérentes de notre syndicat qui se font totalement traiter de façon… Parce que le fait d’être adhérente à la CGT chez McDonald’s, c’est vraiment une circonstance aggravante.
TDL: une salariée a été mise à pied, c’est ça, parce qu’elle était syndicaliste?
G: deux filles se sont présentées aux élections professionnelles pour être déléguées du personnel il y a quelques semaines. Les résultats n’ont pas été bons pour nous. Donc dans la foulée, au moindre petit geste, au moindre petit écart, c’est tout de suite la répression, les mises à pied disciplinaires. On sait que l’étape finale, c’est le licenciement. Et le franchisé a déjà fait le ménage dans ce restaurant-là, puisque deux personnes qui étaient avec nous ont été licenciées. Une des deux a été réintégrée par l’inspection du travail mais le franchisé lui refuse, encore aujourd’hui, l’accès au restaurant. Chez ce franchisé-là, le management dénie toute dignité humaine aux travailleurs dont les nôtres. On avait donc à cœur de venir soutenir ces salariés-là, nos camarades. Et montrer au franchisé qu’il y a des façons de traiter les personnes qui travaillent pour lui. On ne tape pas du poing sur la table comme ça, gratuitement. On se révolte parce qu’il y a des raisons. Le salaire c’est une chose. Mais si en plus il faut subir un traitement dégradant, voire inhumain, ça n’est pas possible. C’est intolérable.
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Mobilisés via les réseaux syndicaux et les réseaux sociaux
TDL: et la grève du 15, elle a été beaucoup suivie?
G: on a rassemblé à peu près 70-80 personnes. A la fois au restaurant de Denfert-Rochereau et au KFC de Strasbourg – Saint-Denis. Ca peut paraître dérisoire par rapport au nombre de salariés qui travaillent dans la restauration rapide à Paris. Mais ça reste quand même un bon monde – c’est une action revendicative devant un restaurant. Mais il y a d’autres mobilisations en France. Il y a aussi un conflit qui dure depuis plusieurs semaines à Marseille, qui n’a toujours pas débouché sur une solution viable pour les salariés. Et on a aussi incité quelques personnes à distance, notamment grâce aux réseaux sociaux – on a des personnes qui, sur la page Facebook « Les Indignés de McDonald’s« , nous ont demandé comment ils pouvaient se mettre en grève pour le 15 avril. Il s’agissait des salariés de Vitry-le-François, dans la Marne, entre Reims et Paris. Eux aussi, ils se sont mobilisés le 15 avril. Le restaurant n’a pas pu fonctionner, ils étaient une trentaine à avoir débrayé et à avoir cessé leur activité avec les mêmes revendications que nous.
TDL: et dans ce restau-là, il y a une présence syndicale, ou ça s’est fait essentiellement via les réseaux sociaux?
G: il n’y a pas de section syndicale à proprement parler. On espère qu’il y en aura une dans le futur. Mais quand on regarde la page Facebook, ce n’est pas écrit CGT mais « salariés de McDonald’s ». On part du principe que tous les maux de la restauration rapide, qui sont présents chez McDonald’s, concernent tous les salariés, pas seulement les syndicalistes ou ceux qui veulent le devenir. Tous ceux qui veulent entrer dans une démarche revendicative vis-à-vis de leur employeur peuvent nous contacter. On les informe sur leurs droits, sur ce qu’ils peuvent faire. On essaie de les mettre en relation avec les contacts qu’on a déjà, sur place ou aux alentours. Et on essaie d’agir de concert.
TDL: la grève du 15, vous l’avez préparée comment exactement?
G: on connaissait la date du 15 avril plusieurs mois avant, puisque ça devait être une journée d’action mondiale. Le collectif « restauration rapide » s’est réuni pour déterminer les modalités de l’action, comment les choses allaient se dérouler concrètement cette journée. Là, les choses se sont faites plutôt dans le bon sens, c’est-à-dire que la parole a été laissée aux personnes du terrain, comme moi, les gens de KFC, les salariés du restaurant de Denfert-Rochereau. Ils savaient qu’il allait se passer quelque chose, donc ils ont fait la demande qu’on aille les soutenir. Bien sûr, j’ai appuyé leur demande.
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La construction d’une solidarité transnationale
TDL: est-ce que vous avez des contacts avec des syndicats américains ?
G: on est en contact avec un syndicaliste américain. Mais là-bas, des syndicalistes comme nous, il n’y en a pas vraiment. Ce sont plus des syndicalistes salariés, mais qui ne sont pas des travailleurs. Ils sont venus en petite délégation l’année dernière, au dernier trimestre, je crois. On s’était juste rassemblés au restaurant McDonald’s de Disney, sans le bloquer. On a juste fait passer une communication devant les médias qui étaient là. Ça a été l’occasion d’entendre les témoignages de ces travailleurs-là. Sur leurs conditions de travail, leurs revendications, comment ils vivent là-bas, au quotidien. Là-bas, il y a vraiment de quoi se mobiliser. Ici, ce n’est pas exactement les mêmes problématiques, mais on souffre aussi. On est davantage en contact par rapport à la procédure qui a été déclenchée devant la justice, au niveau de la fraude fiscale. On essaie de faire en sorte que nos avocats se coordonnent, on essaie d’unir nos forces pour que ce problème soit soulevé par les médias, les citoyens, les hommes politiques. De façon à ce que la justice se mette à travailler pleinement sur le dossier.
TDL: d’autres actions sont prévues?
G: on va déjà garder un œil sur ce qui se passe au restaurant de Denfert-Rochereau. Si la situation reste comme telle, on va être obligés d’y retourner. Soit pour dialoguer à nouveau, soit pour faire autre chose. Mais, pour l’instant, je crois qu’aucune nouvelle date n’a été prévue au niveau mondial. Mais plus il y aura de personnes qui nous regarderont sur les réseaux sociaux, plus les consciences seront éveillées, plus on sera nombreux, plus on aura l’opportunité de faire des actions pour être écoutés. Et pour dire aux uns et aux autres, clients compris, que tout le monde est victime de ce système-là.
TDL: pour quelles raisons est-ce que vous-vous êtes mobilisés ?
G: depuis quelques semaines, la fraude fiscale est entrée sur le devant de la scène. En particulier chez McDonald’s. Il y a eu un rapport, « Unhappy meal« , qui a été publié par des fédérations syndicales américaines et européennes. Il démontre que McDonald’s aurait délocalisé beaucoup de ses profits au Luxembourg, où le taux préférentiel d’imposition est de 1,4%, alors que dans les autres Etats européens il est de l’ordre de 30%. C’est un système qu’on a dénoncé depuis longtemps, chez McDonald’s, grâce à notre comité d’entreprise. On a demandé des rapports d’expertise, qui expliquent bien comment le système financier de McDonald’s est construit. Un restaurant donné va dégager un énorme excédent par rapport à son chiffre d’affaires, à peu près 20%. Et derrière ça, vous avez le siège qui va taxer chacun de ces restaurants grâce au système des redevances. Les redevances, c’est à la fois l’exploitation de la marque et la location du terrain. Un restaurant est exploité sur un terrain qui appartient à McDonald’s, mais qui est ensuite loué au restaurant lui-même. Et donc si on additionne ces deux redevances, on arrive à 22% du chiffre d’affaires. Ces prix sont fixés unilatéralement par le siège. Donc quand vous dégagez un excédent de 20% et que derrière vous avez 22% de votre chiffre d’affaires qui est asphyxié par le siège, forcément, vous êtes en déficit. Et là, c’est le support de toutes les injustices. C’est-à-dire que nous, après, quand on est en négociation pour demander plus d’avantages sociaux pour les salariés, on nous affirme en face que l’entreprise fait des pertes, qu’elle ne gagne pas d’argent, et donc qu’il est difficile de négocier beaucoup de choses avec une entreprise qui perd de l’argent. Cette mauvaise foi totale, on ne la supporte plus. Moi, ça fait 10 ans que je travaille chez McDonald’s. En 10 ans, je n’ai jamais touché une seule fois la participation sur les bénéfices. Donc ça veut dire que l’entreprise n’a jamais dégagé un seul euro de bénéfice depuis qu’elle existe. Et comme elle n’a pas dégagé de bénéfice, elle ne va pas non plus payer l’impôt sur les sociétés. Parce qu’il faut être bénéficiaire pour payer l’impôt sur les sociétés. Donc ça fait automatiquement des recettes fiscales en moins pour l’Etat. Les salariés sont victimes de ce système-là, mais aussi tous les contribuables.
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Temps partiel contraint et travail en miettes
Mis à part ça, on voit que McDonald’s essaie de gratter toutes les aides de l’Etat possibles: ils touchent les aides Fillon, les emplois-jeunes, le CICE. Ils ont bénéficié de la baisse de la TVA il y a quelques années. Donc ça, ça représente des dizaines et des dizaines de millions d’euros d’aides de l’Etat, sans contrepartie : il n’y a pas eu de baisse des prix pour les clients lorsque la TVA a diminué, et les salariés sont toujours payés au SMIC, embauchés en temps partiel. Le temps partiel, ils ne le choisissent pas, ils le subissent. Et le temps partiel, chez McDo, c’est 24 heures minimum. Quand vous êtes embauché à 24 heures par semaine au SMIC, ça représente 770 euros net par mois. Qu’est-ce qu’on peut faire avec ça ? Pas se payer un loyer, en tout cas. Après, il y a aussi le sujet des conditions de travail. Le chiffre d’affaires est en augmentation, mais l’effectif diminue. Puisque dans les restaurants McDonald’s, on a de plus en plus de machines pour prendre les commandes. Ça a permis de rationaliser le service, mais surtout de faire plus de chiffre avec moins de personnes. Tout est de plus en plus automatisé. L’organisation du travail, elle est très taylorienne: c’est des tâches simples, répétitives, des tâches simplifiées, chacun a un rôle. C’est du travail à la chaîne. Et au final, tout ça a été bien analysé de façon à ce que le client soit servi le plus rapidement possible, de façon à éliminer tous les gestes superflus pour que le salarié soit le plus productif possible.
TDL: toi par exemple, ça consiste en quoi ton travail?
G: moi je travaille dans les Yvelines, comme responsable de zone en restaurant. Je suis censé être « le bras droit du manager » qui, lui, gère le restaurant. Mais aujourd’hui, que ce soit manager, responsable de zone, formateur ou équipier, on est tous là à courir sur le terrain pour servir les clients. Parce que comme c’est du travail à la chaîne, à partir du moment où vous avez une personne qui est en arrêt maladie, une personne qui est en vacances, c’est un des rouages de la chaîne qui saute et qu’il faut remplacer. On est tous là, en train de courir, pour servir le client en temps et en heure. C’est un travail qui est plutôt éprouvant à la longue.
TDL: et donc c’est quoi une journée de boulot type?
G: je travaille le midi, donc le temps du rush. Ca commence à midi, et ça se termine à 15 heures. En région parisienne, ce n’est pas le même type de restaurant qu’à Paris. C’est-à-dire qu’on a beaucoup de monde le midi, les heures de l’après-midi sont plutôt creuses, par rapport aux restaurants à Paris intra-muros. Et le soir, c’est pareil. Donc vous avez une activité du restaurant qui va être très forte sur la tranche horaire du midi et sur la tranche horaire du soir. Entre ces deux tranches horaires-là, il y a la fameuse coupure, qui vous empêche de vous organiser, vous, pour vos propres loisirs, qui vous empêche de chercher un autre travail à côté. C’est ça, la logique du temps partiel. Moi, je suis à temps partiel et je suis étudiant à côté. Donc quand vous avez cette coupure au beau milieu de l’après-midi, soit vous rentrez chez vous, vous perdez un temps fou avec les transports, soit vous restez dans le restaurant parce qu’il n’y a pas de gare à côté, mais c’est du temps de perdu. Et puis même si vous restez en salle de repos, il est difficile de se reposer. Vous pouvez ramener un bouquin, mais ça va être compliqué de se concentrer. Parce que l’activité du midi, elle est intense. Faut courir. Il faut bien mémoriser à chaque fois sur les écrans tous les sandwichs qu’il faut ramener d’un seul coup, pour ne pas faire trop d’aller-retour. C’est supporter les humeurs de la clientèle, quand le service est lent, du fait du sous-effectif. C’est à la fois physiquement et psychologiquement éprouvant.
Un droit syndical fragile et difficile à imposer
TDL: et c’est quoi tes rapports avec les autres employés? En tant que responsable de zone et que syndicaliste?
G: en tant que responsable de zone, mon job c’est de faire respecter, de faire appliquer des normes d’hygiène et de sécurité alimentaire. En gros, c’est de rendre productifs pour l’entreprise les salariés. Mon rôle de syndicaliste se situe a posteriori, une fois que le rush se termine, une fois que la richesse a été créée. La question qui se pose alors, c’est ce qu’on fait de la richesse. Moi, je revendique un partage juste pour tous les salariés. Parce que ceux qui ont fait puis vendu les Big Mac c’est eux qui créent la richesse. Mon rôle se situe aussi durant le rush, quand les conditions de travail sont totalement insupportables. Si à un moment donné, il n’y a pas d’effort qui est fait sur les conditions de travail, on est amenés à prendre des décisions qui peuvent être radicales. L’arme la plus redoutable, c’est la cessation de travail durant le rush. Si à un moment donné, rien ne va pendant le rush, on se met en grève. Là, on fait nos revendications, jusqu’à ce que les choses rentrent dans l’ordre dans le restaurant. C’est déjà arrivé dans quelques restaurants, où les conditions de travail ont été totalement dégradées et où les choses n’allaient pas dans le bon sens. Donc on a fait un rappel, deux rappels, trois rappels. A un moment donné, quand le dialogue ne marche plus, quand on a l’impression de parler à des murs, le moyen de se faire entendre, c’est l’usage du droit de grève. Qui est légal, qui est là pour faire en sorte qu’on puisse présenter des revendications. Et là, on est forcément écoutés.
TDL: est-ce que tu peux me parler de la difficulté pour les syndicats de s’implanter dans les restaurants?
G: il faut savoir que la plupart des restaurants ont moins de 50 salariés équivalent temps plein. Et donc ce cap, ça permet d’avoir un CE, d’avoir un CHSCT, d’avoir un délégué syndical dans l’entreprise. Et la plupart des restaurants font exprès d’être juste en dessous de ce seuil-là, alors que, par exemple, le franchisé qui détient le restaurant de Denfert-Rochereau, il a 3 restaurants. Dans chacun des 3, il n’y en a pas un qui a plus de 50 salariés équivalent temps plein. Donc nous, juridiquement, il faut qu’on demande la reconnaissance d’une unité économique et sociale (UES). Si on la fait reconnaître par un accord, on n’entre pas dans une voie contentieuse : le franchisé va, de bonne foi, dire « bah oui, ce sont 3 restaurants qui ont la même activité, qui ont le même gérant, qui ont la même politique sociale, donc effectivement, c’est normal qu’ils veuillent une représentation syndicale commune et un comité d’entreprise commun ». Mais malheureusement, ce n’est pas ce qui se passe. On est obligés donc d’aller devant les tribunaux pour faire reconnaître une UES. Et même devant les tribunaux, quand vous écoutez les plaidoiries de la partie adverse, c’est « oh bah nan, les 3 restaurants n’ont absolument aucune politique commune, que ce soit sur le plan économique ou sur le plan social ». Cet obstacle juridique nous freine beaucoup. Parce qu’aujourd’hui, si vous n’êtes pas dans une entreprise où il y a plus de 50 salariés équivalent temps plein, vous n’êtes pas habilités à demander une élection professionnelle pour avoir un CE, un CHSCT, un délégué syndical. En plus, il y a le problème du turn-over, qui représente 90%, à peu près, sur une année. C’est énorme. Il y a énormément d’arrivées, énormément de départs. En général, les gens partent par dépit, ou parce qu’ils trouvent mieux ailleurs : le travail le dimanche payé double, pas de travail de nuit, un meilleur salaire… Et nous, si on n’arrive pas à s’implanter dans ces restaurants-là pour qu’il y ait une cellule syndicale qui se construise, on est forcément en situation d’échec. Si on n’est pas habilités à demander des élections et à nommer des délégués syndicaux, au moindre petit écart, ce sera la porte. Licenciement pour faute grave pour un retard de 2 minutes. C’est déjà arrivé. Après, c’est compliqué de faire reconnaître la discrimination syndicale devant le conseil des prud’hommes ou devant la cour d’appel. C’est des frais d’avocat, c’est du temps – surtout pour le salarié en question. Parce que le temps de la justice… Il y a de moins en moins de conseils des prud’hommes et la loi Macron ne va pas arranger ça. Donc tout est fait pour désorganiser les salariés.

vendredi 17 avril 2015

GREVE MCDO Denfert-Rochereau à Paris


Mobilisation mondiale de la restauration rapide, blocage du McDo Denfert-Rochereau à PARIS le 15 avril 2015 : stop à l'évasion fiscale, stop à la destruction sociale, stop à la discrimination syndicale.
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samedi 11 avril 2015

Evasion fiscale: le système des franchises de McDonald’s décortiqué



McDonald’s, Starbucks ou KFC sont passées maîtres dans l’art de l’évasion fiscale. Si le système McDo est aujourd’hui mis en lumière, cette fuite des bénéfices basée sur les franchises concerne les grandes chaines de la restauration.
McD Europe Franchising Sarl, installée au Luxembourg, ne compte que 13 salariés. En Quatre ans, elle a pourtant brassé plus de 3,7 milliards d’euros et n’a payé que 16 millions d’euros d’impôts, au Luxembourg. Ce qui constitue un manque à gagner de plus d’un milliard d’euros pour les pays voisins.
Cette entreprise détient la propriété de la marque McDonald’s. Qui veut ouvrir un restaurant Mc Do quelque part en Europe, doit payer, au nom de la propriété intellectuelle, jusqu’à 24 % de son chiffre d’affaires tous les ans à cette filiale Luxembourgeoise (4 % pour les frais publicitaires et jusqu’à 20 % sous forme de commission d’exploitation).
En échange et en répondant à un cahier des charges strict, le restaurant pourra utiliser les noms, logos et les produits Mc Do. Il faut ajouter à cela le plus souvent un loyer, puisque si le géant possède les murs, le restaurant reste géré sur le principe de la franchise.
Résultat, les restaurants sont déficitaires, tous les gains remontent au siège au titre du droit d’auteur et l’entreprise ne paye aucun impôt sur les bénéfices. Autre effet pervers, les primes des salariés des restaurants McDonald’s sont basées sur les résultats, qui sont ainsi amputées d’un quart, avant le calcul. "Tous les surplus remontent au siège et tous les restaurants sont déficitaires", de sorte que l'entreprise ne paie pas d'impôt sur les sociétés et qu'"aucun salarié ne touche de participation sur les bénéfices" explique Gilles Bombard, délégué CGT de la société McDonald's Ouest Parisien.
Pour parfaire le tableau, Mc Donald’s a négocié avec les autorités fiscales du Luxembourg un taux très avantageux de 1,4 % d’impôt. Le Grand Duché s’est lui-même lésé, puisque l’entreprise devrait payer 5,8% de ses revenus liés à la propriété intellectuelle, sans parler des 29 % dus au titre de l’impôt sur les sociétés...


Sous la pression McDonald's augmente ses employés



La chaîne de restauration rapide va porter à 10 dollars de l'heure le salaire moyen de 90.000 de ses employés aux Etats-Unis. Mais cela n'a pas réussi à convaincre les salariés, qui promettent de continuer leur mobilisation.

Mobilisation mondiale FAST FOOD 2015

  

Mercredi 15 avril 2015 journée d'action et de grève nationale chez MCDONALD'S et dans le secteur de la restauration rapide !
Des actions très sympa sont prévues à Paris , dans toute la France  et dans le monde entier

RDV : de 12h à 13h30 dans un Mcdo de Paris et a 14h dans un KFC de Paris 
Pour les lieux contacter la page facebook : Les Indignes De Mcdonald's

Soyons nombreux pour ce rassemblement et montrons notre détermination pour une charte sociale révolutionnaire chez Mcdo !

Les mêmes droits et les mêmes acquis sociaux pour tous dès maintenant !!! La fin des differences entre Mcdo France et franchisé !